Assemblée générale de Librevent                                                                         9.5.2014
Saint-Brais (Le Plaignat)
 
 
Témoignage et réflexion

Je suis né à Saint-Brais. J’y ai passé toute mon enfance et ma jeunesse. Puis, les aléas de la vie m’ont conduit ailleurs. Depuis une vingtaine d’années, Bâle est ma ville d’adoption et je suis devenu citadin. Comme chacun le sait, la vie en ville, aussi intéressante soit-elle, est une vie astreignante, agitée, stressée. Elle nécessite des phases de récupération et surtout des lieux dans lesquels on puisse se ressourcer.

Comme j’étais attaché au coin de pays où j’avais passé mon enfance, il était tout naturel pour moi de faire de Saint-Brais un de ces lieux de ressourcement. Ainsi avons-nous décidé, mon épouse et moi, il y a une quinzaine d’années, d’y construire une maison, maison dans laquelle nous avons passé beaucoup de temps et ce fut un temps heureux.

Malheureusement tout a changé le jour où les éoliennes ont été implantées. Cela a commencé par un choc visuel : deux espèces de monstres qui surplombaient le village et volaient la vedette à l’église. Des machines surdimensionnées, non intégrées et non intégrables. Choc visuel qui s’est accompagné de nuisances sonores, dès le moment où les éoliennes ont été mises en marche. C’était en novembre, je crois, le vent était soutenu. Et là, force a été de constater que, malgré des fenêtres et des portes fermées, on les entendait, et on allait les entendre chaque fois qu’il y aurait du vent !

Le sentiment éprouvé à moment-là a été celui d’une immense déception, d’une grande tristesse et d’un énorme gâchis. Puis, avec le temps, mais assez vite, à mesure que l’on apprenait comment les choses s’étaient passées, l’abattement a fait place à un sentiment de révolte qui n’a fait que grandir jusqu’à aujourd’hui.

Révolte : d’abord parce qu’on se sent floué ; pour le dire d’une manière imagée : on se sent « roulé dans la farine ». Et c’est un sentiment extrêmement désagréable auquel on ne s’habitue pas.

Révolte : également, parce que – officiellement et nominalement - nous n’étions informés de rien (c’est une pratique apparemment courante ; plusieurs cas de propriétaires de résidences secondaires à Saint-Brais et ailleurs ont vécu la même expérience).

Un sentiment de révolte donc qui perdure et qui grandit parce que les procédures sont révoltantes.

Voilà ce dont je voulais témoigner.

A partir de cette expérience vécue, j’aimerais à présent faire un pas du côté de la réflexion.

Je trouve que le statut de « résident secondaire » devrait être réexaminé, en tenant compte de l’évolution des choses et de la société.

Le résident secondaire d’aujourd’hui n’est plus celui des années 70, contre lequel les militants franc-montagnards  - avec raison - se sont battus, c’est-à-dire celui qui remplissait son coffre de voiture à la Coop ou à la Migros de Bâle ou de Zurich,  qui venait ensuite consommer  ses provisions aux Franches-Montagnes et qui, le dimanche soir, n’y laissait que ses déchets.

Je pense que le résident secondaire d’aujourd’hui se comporte différemment. A titre d’exemple, je citerai – en toute modestie – mon cas qui, assurément, n’est pas unique.  Chaque fois que je suis à Saint-Brais, je fais mes courses aux Franches-Montagnes. Ma maison a été construite par des artisans de la région. Quant à ma voiture, c’est un mécanicien du village qui s’en occupe.

Je pourrais multiplier les exemples (pharmacie, coiffeur, occasionnellement médecin…) mais je ne le ferai pas, car mon propos est d’attirer votre attention sur le fait que le résident secondaire d’aujourd’hui est beaucoup moins « étranger » à son lieu de résidence secondaire qu’il ne pouvait l’être il y a 40- 50 ans ou, pour le formuler autrement, il est beaucoup plus « intégré » à ce lieu et, à ce titre, je trouve qu’il devrait être associé aux débats relatifs à des transformations communales d’importance comme, par exemple, la construction d’un parc éolien.

Même si les résidents secondaires n’ont pas le droit de vote, dans le cadre d’assemblées communales, cela permettrait d’entendre d’autres voix, les leurs,  – des voix nombreuses (env. 25 résidences secondaires à Saint-Brais) -, cela permettrait d’avoir d’autres points de vue sur la question et, finalement, d’aboutir à des décisions beaucoup plus nuancées et beaucoup plus raisonnables qu’elles ne le sont actuellement.

Cela aurait permis – mais peut-être n’est-il pas trop tard  –  de rappeler que sous le lieu-dit le Ban, là précisément où l’on projette de construire le second parc éolien de Saint-Brais (Saint-Brais 2), il existe des cavernes, des grottes, dont la valeur archéologique et paléontologique n’est plus à démontrer. En effet, dans les années 50 (en 1955 pour être exact), le Dr Frédéric-Edouard Koby y a découvert de nombreux vestiges datant d’époques différentes (paléolithiques, mésolithiques, néolithiques, etc.), parmi lesquels une dent (une incisive)  qui constitue – et ceci importe – l’un des deux plus anciens vestiges humains découverts en Suisse (homme de Néandertal / 28'000 ans et plus).

Avant d’avoir recours à la dynamite pour faire des trous dans le pâturage du Ban et les combler ensuite de béton afin de pouvoir y implanter des éoliennes, s’est-on demandé s’il n’y avait plus rien à découvrir dans ces grottes, si elles avaient livré tous leurs secrets et, encore plus simplement,  si elles avaient été totalement explorées. Non. Certainement pas. Et bien, cette question, il faudrait se la poser, car la technologie a évolué et ce qui paraissait définitif dans les années 50 ne l’est peut-être plus aujourd’hui.

Il faudrait également que le canton prenne ses responsabilités et se la pose cette question car il y va d’un enjeu dont les autorités communales de Saint-Brais n’ont pas encore saisi l’importance et qui va bien au-delà de leurs compétences.

J’espère que mon témoignage et mon point de vue vous auront interpellés.

Merci de votre attention.

 

Dr. Jean-Jacques Queloz (Bâle / Saint-Brais)