Feb 20, 2016

actu. au 20.02.2016


 Chers amis de librevent,

En ouvrant l'article que je vous adresse aujourd’hui, je me suis dit: « Encore un qui va essayer d’ajouter sa solution nucléaire au capharnaüm du marché de l’électricité actuel". Des prises de position qui entraînent une confusion totale pour les observateurs payeurs que nous sommes. Mais depuis quelques temps les articles se bousculent et au-delà de l’idéologie, de plus en plus expriment de la perplexité.

On nous accuse de ne pas être habilités à nous exprimer sur la transition énergétique, parce que nous ne sommes pas des experts. On nous demande, et je l’ai lu dans une étude récente, de laisser nos élus s’occuper de ces choses sérieuses... Posez trois questions pertinentes sur le marché de l’électricité à quelques élus et vous aurez tôt fait de mesurer l’ampleur de leurs ignorance (en dehors de ceux qui se sont engagés dans la lutte contre les éoliennes notamment et qui on été forcé de se documenter.)

On laisse tomber nos convictions, qu’elles soient estampillées à cornes ou avec des ailes, et on regarde les choses en face. L’article que je me permets de vous adresser pose un certain nombre de questions qu’il est bon d’avoir en tête lorsque l’on vit cette fameuse période de transition énergétique. Ce qui dirige le marché de l’électricité, de toute évidence, n’a plus rien à voir avec l’intérêt général. Nous sommes pris en otage par des apprentis sorciers qui ne vivent que dans la perspective du profit immédiat. Ne sortons pas nos croix dès que le mot nucléaire est avancé, gardons la tête froide et observons ceci:

de Jean-François Raux
La France découvre avec étonnement qu'EDF, un de ses fleurons industriels, est en grave difficulté. Sa capitalisation boursière est passée de 160 milliards d'euros en 2008 à 22 milliards aujourd'hui. C'est comme si l'Etat, actionnaire à plus de 86 % d'EDF, avait perdu deux ans d'impôt sur le revenu. Cette chute ne se limite pas à EDF : les géants européens de l'électricité (E.ON, RWE, Vatenfall, Engie…) ont perdu 75 % de leur capitalisation boursière depuis sept ans. La crise est sectorielle et européenne. Trois causes à cela.

La première, c'est la création de surcapacités massives de production d'électricité. L'objectif européen de 20 % d'énergies renouvelables, non lié à la réduction de consommation de pétrole et de charbon, a conduit au développement massif de surcapacités de production, alors que la consommation baissait par ailleurs du fait de la crise. Le développement du renouvelable s'est fait au détriment du gaz et du nucléaire. Pas du charbon ou du lignite.

En Allemagne, la production d'électricité au charbon ou, pis, au lignite, est restée constante entre 1990 et 2016. Les émissions de CO2 de l'Allemagne représentent toujours 16 fois celles de la France. Elles vont augmenter. En revanche, l'Allemagne a fait décroître sa production de nucléaire, totalement « CO2 free » et de gaz, beaucoup moins polluant que le charbon, mais non compétitif par rapport à lui faute d'un prix du CO2 suffisant ! Le résultat est donc l'émergence de surcapacités de production inutiles sur le plan climatique et coûteuses sur le plan économique.

La deuxième cause réside dans l'organisation du marché de l'électricité, qui ne permet plus ni d'investir ni de rentabiliser les investissements effectués. Les prix de gros actuels sont à moins de 30 euros le mégawattheure, alors que les coûts de production à couvrir sont a minima de 45 euros pour le nucléaire existant et de plus de 60 euros pour les énergies renouvelables les plus performantes. Ainsi chaque mégawattheure vendu sur le marché génère-t-il une perte de l'ordre de 15 à 35 euros. Pour EDF, avec des ventes de l'ordre de 400 térawattheures sur le marché, cela représente une perte globale de 8 à 10 milliards d'euros ! Quelle industrie peut vivre en ne recouvrant pas ses prix de revient ?

Mais c'est la troisième cause qui constitue le summum de l'incohérence européenne. Alors que la Commission répète urbi et orbi que seuls le marché et la concurrence peuvent bénéficier au consommateur, le résultat est totalement inverse dans le secteur de l'électricité. Les seuls investissements qui se font encore sont ceux qui sont subventionnés (les énergies renouvelables). Et pendant que les prix de gros s'effondrent, vers les 25 euros le mégawattheure, le client final voit sa facture augmenter régulièrement du fait du poids des subventions : en France, les subventions payées par le consommateur final sont passées de 3 euros en 2002 à 27 euros le mégawattheure au 1er janvier 2016. En Allemagne ces subventions atteignent 70 euros. Cette situation amène les entreprises historiques du secteur à déclasser leurs actifs « classiques » (moyens de production non subventionnés) pour ne garder que ceux qui sont subventionnés, les énergies renouvelables déclarées « business d'avenir », parce que dépourvues de risque du fait… des subventions !

A la clef, ce sont la sécurité d'approvisionnement et des centaines de milliers d'emplois qui sont en péril. Qui s'en soucie ?

En moins d'une décennie, la Commission européenne aura réussi, par une politique incohérente, à détruire les entreprises historiques du secteur électrique sans réellement construire une nouvelle industrie solide et apte à relever les défis du futur. Le bilan climatique est, quant à lui, quasi nul.

Il est donc urgent de redonner du sens à l'Europe de l'électricité. Un beau sujet pour la présidentielle de 2017. Car vital pour l'économie française et pour le rayonnement politique de la France dans une Europe dominée par la « bonne pensée » allemande.

Jean-François Raux

Jean-François Raux est ancien délégué général de l'Union française de l'électricité.


En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/021686745954-electricite-limmense-faillite-de-leurope-1199347.php?q8PQIjKiQWcRGxzm.99


Il y a un gros travail de réflexion et de résistance à faire avant d’avaler n’importe quelle pilule servie actuellement dans le domaine énergétique. Et on ne peut pas accuser ceux qui s’expriment comme ce M. J.F. Raux d’être ignorants, ils viennent du sérail. Franchement je ne pense pas qu’Isabelle Chevalley (au hasard) en connaisse plus sur les milieux de l’électricité que ce Monsieur? Je peux même vous affirmer avoir lu des courriels de personnalités placées au sommet de la politique nationale qui demandaient conseils au réseau anti-éolien romand! Ne sous-estimons notre capacité de comprendre et de décider ce qui est bon pour nous.